Pour Claude Birraux (à gauche) et Jean-Yves Le Déaut, respectivement président et vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, ? la solution la plus durable pour les déchets est le stockage en site profond ?.
INTERVIEW - Les députés Jean-Yves Le Déaut (PS, Meurthe-et-Moselle) et Claude Birraux (UMP, Haute-Savoie) sont auteurs de nombreux rapports sur le nucléaire. Favorables à l'énergie atomique, ils n'en revendiquent pas moins leur indépendance à l'égard du ?lobby nucléaire?. Entretien croisé.
LE FIGARO. - Faut-il fermer des centrales nucléaires en France ?Jean-Yves LE DéAUT. - Je suis pour une réévaluation des systèmes de s?reté. Si la s?reté est le critère du futur audit de tous les réacteurs, alors il faut faire confiance à l'Autorité de s?reté (ASN). Peut-être cet audit conduira-t-il à une fermeture de centrale. Ceux qui réclament la fermeture de centrales sans attendre l'audit sont dans la décision politique. Si l'on réclame la fermeture de Fessenheim simplement parce qu'elle a 34 ans, si l'age est un critère en soi, à ce compte, d'ici à 2019, il faudra fermer 38 réacteurs.
Claude BIRRAUX. - L'ASN a distribué de bons et de mauvais points aux centrales d'EDF dans son dernier rapport annuel. Les centrales qui sont à la tra?ne ont intérêt à se bouger pour prouver qu'elles sont à la hauteur. On est loin de l'automne dernier où certains reprochaient à la s?reté et à l'EPR de co?ter trop cher…
J.-Y. L. D. - à ce propos, je réclame la publication du rapport Roussely, toujours secret. Y est-il écrit qu'il faut ?attendrir la s?reté? ? La s?reté ne se négocie pas.
Une entreprise privée peut-elle gérer des réacteurs nucléaires ?
J.-Y. L. D. - En matière de nucléaire, tout doit rester sous contr?le public. Non pas qu'il faille contester les atouts de GDF Suez, mais dès lors qu'un système commence à être détricoté, la porte s'ouvre sur d'éventuels dérapages. En particulier une trop grande part accordée à la rentabilité au détriment de la sécurité des installations.
C. B. - évitons d'être dogmatiques sur ce sujet. Certes au Japon, Tepco, opérateur privé, s'est montré défaillant. Mais si on prend le cas de l'Europe, il y a de nombreux exemples d'entreprises publiques dont le contr?le sur le nucléaire n'a pas été aussi rigoureux qu'il aurait d? l'être et d'entreprises privées qui gèrent bien leurs centrales.
Faut-il un moratoire sur le réacteur EPR en construction à Flamanville ?
C. B. - Parmi les enseignements de Fukushima, il y a la nécessité pour les réacteurs que le refroidissement soit assuré en toutes circonstances. De l'avis unanime, sur ce plan comme sur les autres, l'EPR est la centrale la plus s?re au monde, qui a tiré les enseignements de Three Mile Island et Tchernobyl. Se priver d'un tel outil serait une grave erreur scientifique et politique.
J.-Y. L. D. - Je ne crois pas beaucoup aux vertus du moratoire car celui-ci a nécessairement une fin, sans que le dossier ait progressé pour autant. C'est ce qui s'est passé en Suède. Serait-il logique de laisser fonctionner des centrales qu'on considérerait moyennement s?r et de s'empêcher en même temps de construire des centrales plus s?res comme l'EPR ?
Fran?ois Hollande propose de réduire la part du nucléaire à 50 % en 2025. Qu'en pensez-vous ?
J.-Y. L. D. - Réduire la part du nucléaire, c'est une bonne chose. Il faut rééquilibrer le bouquet énergétique fran?ais mais si on le fait rapidement, cela se traduira par une augmentation de la part du gaz. Le lobby gazier parie d'ailleurs sur un recul du nucléaire. Est-ce satisfaisant ? Non. Il faut bien s?r développer les énergies renouvelables. Si un jour on trouve le moyen de stocker l'électricité alors un verrou aura sauté. Indépendamment du mix retenu, il faut améliorer notre sobriété énergétique.
C. B. - Les propos de Fran?ois Hollande visent surtout à faire plaisir aux Verts, c'est un effet d'annonce. On ne peut pas décider en deux temps trois mouvements de modifier notre approvisionnement énergétique. Ou alors nos rejets de gaz à effet de serre augmenteront considérablement. En matière d'énergie, il es nécessaire d'avoit une vision à long terme.
Fukushima a montré le danger des piscines de combustible usé. Que faire des déchets ?
C. B. - Je l'ai suffisamment répété dans mes rapports : la solution la plus durable est le stockage en site profond.
J.-Y. L. D. - Pendant dix ans, les militants antinucléaires ont dit qu'il ne fallait pas un site de stockage centralisé mais que les déchets seraient mieux surveillés en restant au pied des centrales. Cette position est battue en brèche par Fukushima.
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